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Maïa, sage femme
24 mai 2014

impuissance...

J'ai récemment eu une très mauvaise journée. Elle a commencé par un tas de RDV annulés en dernière minute/non honorés... Bref, une matinée peu productive, comme je les aime pas (je préfererai rester au lit, comme tout le monde...) ! 

L'après midi, je partais en tournée de domiciles. L'énervement avait baissé. Initialement, j'en avais jusqu'à tard, mais du fait d'accouchements bien placés, j'allais probablement pouvoir finir avant le coucher du soleil. Et en prime, une femme que je n'avais vu qu'une fois m'avait fait l'immense compliment de choisir de faire son suivi avec moi "parce que je suis sympa et que le contact est super bien passé" ! Bref, contrairement au temps qui commençait sérieusement à se couvrir, mon humeur s'ensoleillait. Jusqu'au coup de fil...

"Bonjour Mme Maïa ? Gendarmerie nationale. Nous aimerions vous interroger a propos d'un enfant que vous avez suivi. Pouvez vous venir au commissariat, que nous prenions votre déposition ?" 

C'est étrange comme le temps s'arrête à certains moments. Les bruits aussi d'ailleurs. 

J'appelle mes patientes pour dire que j'aurai du retard (autant pour le coucher de soleil) et je file au commissariat. 

images

Joli bébé est en réanimation, enfant secoué, et pas qu'une fois. Et là, moi aussi je suis secouée !

On me demande si j'ai noté des choses sur cet enfant, sur ses parents, sur l'environnement... Bref, si quelque chose aurait pu me mettre la puce à l'oreille. 

Cette maman je l'ai suivi pendant la grossesse, à son retour à la maison, pour sa rééducation du périnée, je connais certaines de ses amies... Bref, je la connais plutôt bien. Pas une demi seconde je pourrai la soupçonner. Le papa, je l'ai vu à quelques reprises, et il m'a semblé tout à fait normal. Je n'ai rien vu, entendu, ni même imaginé quoi que ce soit. Et puis ça n'est pas forcément eux. Ca peut être beaucoup de gens différents !

Ce qui me mine, au delà de la tragédie que c'est pour ce beau pitchoun et sa famille, quel que soit le rôle de chacun dans tout ça, c'est mon rôle dans la protection des gens en situation de faiblesse. Ca peut être des bébés. Ca peut être des femmes battues. Ca peut être plein de situations ! Oh je n'ai pas d'illusion, je ne suis pas dieu qui lit à travers les gens. Je ne peux pas sauver tout le monde. Mais ai-je été suffisamment attentive ? Ai-je interprété des signes d'une certaine manière et pas d'une autre ? Je refais le film, encore et encore. Et je questionne mon jugement, encore et encore. Le doute est déchirant, quelque soit la vérité.

J'espère mon cabinet, ma pratique comme un refuge si on en ressent l'envie. Il est aménagé dans cette optique, mon attitude vise à cela. Mais je sais aussi que je n'atteins pas du tout l'objectif. Une femme sur dix en France est victime de violence. Si j'ai un témoignage de violences passées de temps en temps, c'est bien le maximum... 

Cette impuissance est horrible. Comment aider les gens ? Comment éviter les tragédies ? Je connais la réponse pragmatique : "On ne peut pas aider ceux qui ne veulent pas être aidés." "On ne peut pas sauver tout le monde." "Il faut simplement laisser la porte ouverte." D'accord, alors ma question suivante est : "Comment fait on pour vivre à côté de ces tragédies sans perdre espoir ?"

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Commentaires
F
Est-ce que ça veut dire que c'est les gens normaux qui tuent leurs enfants ? Ou est ce que ça veut dire qu'ils le cachent très bien.<br /> <br /> Pour ta dernière question, peut-être qu'aider les gens une personne à la fois est la réponse. Tu as peut-être été pour une mère qui allait craquer, une aide que tu n'as pas soupçonnée.
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