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Maïa, sage femme
22 février 2016

de la construction de Rome

Une lecture m'a bien réjouie aujourd'hui ! La blogosphère est pleine de belles rencontres et c'est une bonne manière de rompre la solitude qu'on peut parfois ressentir au quotidien lorsqu'on ose interroger le pourquoi du comment de notre belle planète médicale...

J'ai découvert un blog d'un étudiant en médecine. Il est actuellement externe. Il a une réflexion éthique super ancrée. Sacrément mur, le bonhomme !

J'avoue que tous les billets que j'ai pu lire de lui sont interessants, et porteurs de choses sur lesquelles rebondir. Mais il y en a un en particulier qui m'a retenu. D'une part parce qu'il parle de ce que je connais (il fait un stage en gynéco), mais parce qu'il pourrait également être sacrément utile pour mes lecteurs, pour comprendre la difficulté de la position de l'étudiant en médecine, étudiant qui devient ensuite un soignant, soignant qui s'il n'a pas ancré en lui une volonté farouche de ne pas se perdre, devient "blasé", mot de l'interne avec qui il passe sa garde. Plutôt que blasé, j'utiliserait le mot formaté, qui a arreté de se poser des questions, parce que c'est plus simple de ne pas lutter parfois. C'est vrai que lutter est super fatiguant et exposant... Voici ici le lien vers le billet.

Ses remords sont aussi beaux que peu utiles pour les patients qu'il a vu (mais peut être pas pour ceux qui le liraient). C'est d'ailleurs ce qui est terrible ! On sait qu'on est maltraitant parfois, on le sait même en live. Et pourtant, on l'est ! Comment est-ce possible de faire des choses que nous savons ne pas être vraiment ce qu'il faudrait faire ?

Il faut parfois choisir ses batailles. C'est cruel, mais important. Oui, parfois se placer directement dans une posture morale, signalant tout ce qui nous parait impropre à ce que devrait être une pratique respectueuse, peut faire plus de mal que de bien. Alors pas pour cette patiente, devant nous, à ce moment même, bien sur. Mais à toutes celles qui ne seraient pas prise en charge par un soignant respectueux pour tout le restant de sa carrière. Parfois, se mettre en opposition de manière trop évidente est préjudiciable. Ben oui, mettez les gens face à leurs propres erreurs et ils peuvent avoir une sacrée envie de vous le faire payer ! Et pendant des études médicales, déjà longues et éprouvantes, ajoutez le harcèlement moral ciblé parce que vous avez osé dire ou suggérer que le simple respect exigeait une autre attitude, c'est peut être faire perdre à plein de gens la chance d'être accompagné par un super soignant plus tard, quand vous pourrez vraiment faire les choses à votre sauce.

C'est triste parce qu'on est en quelque sorte complice, voir acteur... Et c'est terriblement culpabilisant aussi !

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Mais tout comme Rome ne s'est pas construite en un jour, la médecine bienveillante non plus... Alors je ne dis pas qu'il faut se taire (je n'ai jamais réussi, ce qui m'a valu bien des tours !). Il faut choisir quand on l'ouvre, faire ce qu'on estime bien quand on peut, et s'excuser de ne pas être toujours parfait dès qu'on peut. On s'excuse pour ce qu'on a fait mais on s'excuse aussi pour une organisation qui nous rend parfois impuissant. Cette excuse ne changera pas ce qui a été fait, mais en modifiera le vécu. Cela  m'arrive parfois de m'excuser pour des prises en charge que je n'ai pas faites. Pourquoi ? Je m'excuse pour le système dont je fais partie et qui a mal fait son travail. Le vécu négatif reste mais la reconnaissance de la souffrance permet de faciliter la reconstruction.

C'est une des raisons qui m'ont poussé à devenir libérale. Je suis là avant l'accouchement, et après. Je prépare et essaye de réparer. C'est là que je me sens le plus utile. Même si l'adrénaline des urgences me manque sacrément (je suis une droguée à l'adrénaline), je me sens plus utile dans le travail de fond, le travail au long cours. La reconstruction... C'est pour ça que j'aime autant la gynécologie ! Parce que j'essaye de réconcilier la femme avec sa féminité, et avec la médecine de la femme. C'est pour ça que j'aime mon métier, parce que j'ai le privilège d'accompagner des femmes dans un petit bout de chemin avec elles-mêmes ! (Ceci est bien entendu mon propre chemin, il n'est en rien généralisable. Dieu merci ! Il est évident que la satisfaction d'un travail bien fait se trouve quelque soit le mode de pratique !!!)

Et s'il faut avaler des couleuvres, et parfois en faire avaler à quelques uns, pour pouvoir avoir ce privilège, le jeu en vaut la chandelle ! L'affrontement systématique et frontal n'est pas toujours très efficace, même s'il est parfois très tentant (je parle vraiment en connaissance de cause !!!)... Et je présente mes excuses aux victimes de ce système, en espérant qu'il y en ait de moins en moins. Et j'espère que les idéalistes ne perdront pas leur âme au fur et à mesure, et que les "blasés" (re)trouveront leur questionnement, leur permettant de diminuer toujours plus les écueils d'un système.

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