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Maïa, sage femme
24 avril 2016

Baby boooooooooooom...

Une dure période commence pour nous, sages-femmes... Une certaine émission recommence, avec des caméras 24/7 dans un maternité, montrant ce qu'elle veut bien montrer au fil des rush et autres morceaux choisis...

J'avais regardé la première année et j'avais franchement trouvé ça comme un reflet assez fidèle de mon travail hospitalier (que je venais de quitter), sans trop de pathos ni d'extraordinaire. Bref, la beauté de l'ordinaire, et les défauts de l'ordinaire... Puis le temps a passé, l'émission a continué, il a bien fallu sortir de l'ordinaire pour que les gens continuent à regarder et là, ça m'a énérvé ! Et puis, en arrêtant de travailler à l'hôpital, j'ai aussi pu prendre du recul par rapport au travail qu'on y fait. Même si j'ai toujours été en réflexion là dessus, le fait de ne plus travailler en hôpital permet de sortir des schémas de pensées institutionnels et d'être encore plus objective par rapport à notre pratique. 

Et c'est à ce moment là que cette émission m'est devenue insupportable (et finalement même ces premiers épisodes qui ne m'avaient pas vraiment choqué au départ...)!

Et c'est à ce moment là que j'ai aussi été obligée de la regarder !!!

Récemment mis à jour1

A force d'entendre en séance de préparation à l'accouchement : "J'ai vu dans biiiiiip que ça se passait comme ci ou comme ça."... Il fallait donc me torturer regarder cette bouse sentimentaliste émission pour pouvoir consciencieusement déconstruire les idées reçues et autres faussetées que cela enfouit bien profondément dans la tête des patientes et de leurs maris (qui sont parfois un peu obligés de regarder, comme si ça risquait de leur faire du bien...).

Peut être, comme certaines amies, ne comprenez vous pas mon rejet de ce que certains apprécient tant. Laissez moi vous expliquer plus dans le détail ma pensée (que vous connaissez probablement un peu si vous avez lu quelques autres articles de ce blog) :

Les femmes sont mes héroïnes ! Cette évidence m'est apparue plus spécifiquement pendant mes études (mais bon, étant en études de sage-femme, je pense que ça date d'avant), et quand je pense à cela, me revient en mémoire l'histoire de Marie (et pour que je me souvienne et du nom et de l'histoire, et j'ai même gardé son visage en tête ! Autant vous dire que Marie m'a révélé à moi même, pour ainsi dire !). J'étais en troisième année d'école. Marie voulait à tout prix accoucher sans péridurale. C'était son premier bébé, elle devait être déclenchée pour une raison que je n'ai pas gardée en tête. Un déclenchement est physiquement plus dur qu'un travail spontané. Et son choix d'absence de péri, déjà à l'époque peu compris pour un travail naturel, était définitivement une énigme pour un déclenchement. Et manque de bol, elle a payé son choix... Ils n'ont pas été tendres avec elle. Ils ne l'ont pas aidé à y arriver. Elle a du se débrouiller toute seule, et elle l'a fait !!! Je n'étais pas l'étudiante en charge de l'accompagner, mais comme je connaissais un peu son mari, et que j'étais admirative de ce choix et de cette détermination, je venais de temps en temps l'encourager et la féliciter. Je crois que j'étais la seule. Même mon amie qui l'accompagnait (et qui est une personne merveilleuse) jugeait son choix. Mais elle a tenu ! Elle a suivi son chemin, en dépit de l'accompagnement négatif qu'elle recevait. Et depuis ce jour, mon admiration pour les femmes et leurs compétences n'a fait que grandir ! Et ma condamnation des conséquences négatives des idées reçues et des gestes médicaux non justifiés aussi...

Je ne plaide pas pour que le travail se passe de telle ou telle manière précisément. Je ne plaide pas pour une absence de médicalisation. Je ne plaide pas pour un 0 péridurale. Je plaide pour permettre à la femme de trouver sa propre place dans ces moments si spéciaux et en même temps ordinaires que sont la grossesse et l'accouchement (et la suite aussi mais ce n'est pas ici le sujet...). Pour qu'elles puissent savoir ce dont elles ont réellement besoin, il convient de leur expliquer les choses de manière objective, mais également de leur permettre de se découvrir, découvrir leurs forces, comme Marie a pu le faire pour moi ! Et qu'ensuite, elles aient la possibilité de faire leur propre choix, choix résultant de leur histoire personnelle, pas de la crainte qu'on a pu leur mettre en tête. Nous (les accompagnateurs des femmes) sommes là pour leur donner cette possibilité là jusqu'au bout. 

Et pourtant, ça n'est pas vraiment ce que nous faisons... Je parle ici de manière générale, car de manière individuelle, un nombre certain de professionnels ont cette démarche. Mais dans sa globalité, le monde médical est dur pour les patients. Nous avons besoin de "faire". Quitte à mettre le doigt dans un rouage qui fonctionne et de faire dérailler le processus, nous rendant alors indispensables pour rattraper la situation que nous avons nous même créé.

Et cette émission transmet ce message de "sans nous, c'est fortement risqué"... Le pire, c'est que ce message est si bien ancré dans notre subconscient qu'il n'est la plupart du temps même pas senti.

J'essayais de trouver une analogie pour expliquer simplement mon propos. Elle est imparfaite mais permet malgré tout de rendre les choses plus claires : Imaginons que vous emmenez votre voiture en révision chez votre garagiste. Elle tourne globalement bien. C'est juste une révision de routine. Votre garagiste fait très exactement ce qu'il a l'habitude de faire, un check up. Il met ce qu'il a l'habitude de mettre comme "produits qui doivent améliorer les compétences de votre voiture". Et vous dit, tout va bien ! A l'année prochaine.

Et puis quelques semaines plus tard, votre voiture commence à déconner. Vous la ramenez chez le garagiste et là il diagnostique un problème. Il se trouve que ce problème est créé par les "produits qui améliorent les compétences de votre voiture" mais le garagiste ne fait pas le lien parce que "on a toujours fait comme ça" donc pourquoi chercher à faire des liens. Et il répare la panne. Et vous repartez avec une voiture qui roule, en remerciant le garagiste de vous avoir évité de devoir en racheter une autre.

Voilà un peu le problème de la médecine se mêlant de la physiologie. Ma maman me disait quand j'étais petite "le mieux est l'ennemi du bien". Rien est plus vrai dans l'accompagnement d'une naissance ! Pourquoi chercher à améliorer ce qui fonctionne ? Pourquoi chercher à accélérer un travail qui avance ? Pourquoi prendre une place qui n'est pas la notre ? Pourquoi ne pas simplement accompagner une femme dans sa mise au monde d'elle-même ? Pourquoi ne pas accepter d'être un second rôle ?

Voilà pourquoi cette émission m'irrite tant ! Parce qu'elle enfonce le clou quant au fait que le premier rôle est la médecine et le second est la femme qui enfante. Parce que cette inversion des rôle a des conséquences dramatiques tant d'un point de vue physique, médical que psychologique. Parce que c'est également jouer avec les peurs naturelles universelles que sont la peur de la mort, peur de la douleur... Au lieu de les accompagner pour les dompter... 

Bref, parce qu'elle empêche les femmes d'être les héroïnes que je sais pertinemment qu'elles sont !!!!

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Commentaires
V
Pourtant j'ai vraiment l'impression d'être malade... malade physiquement tellement j'ai plus de forte à cause des violences Q j'ai subies, qui m'ont terrassée, et psychologiquement à cause du traumatisme. En plus de devoir se battre pour faire reconnaitre son préjudice, faut argumenter, expliquer aux gens autour de soi qui ne comprennent pas que ce soit possible qu'une agression puisse avoir lieu pendant un accouchement. Q l'un n'a rien à voir avec l'autre! Ils nous renvoient plutôt qu'on doit être fragile ou chochotte ou je sais pas quoi encore, alors qu'il n'en ai rien. Personne n'accepterait des tortures sauf qn de maso à la rigueur peut-être... Quand on est victime, on découvre aussi que rien n'est fait pour aider autre chose que les bourreaux.<br /> <br /> <br /> <br /> "Elle nous révèle à nous-même", comme vous dites, peut-être qu'un jour le comprendrai ce que ça veut dire, mais pour l'instant, plutôt Q d'apprendre, je tente de ne pas sombrer. Vous êtes plein de bons sens alors j'espère à croire que vous avez raison et qu'on peut trouver un but à tout ça et en sortir grandit même peut-être pourquoi pas... Je sais pas, j'ai du mal à le croire, pour l'instant. Merci en tout cas pour vos conseils et votre bien-veillance!! <br /> <br /> J'aurais aimé ne pas me trouver dans ce lieu là et à ce moment là. Pourquoi ça m'est arrivé à moi... j'ai une colère d'injustice, même si je sais que personne ne mérite ça. On pense tj que les malheurs arrivent aux autres et bien non... Même quand on accouche... C'est de la folie mais c'est réel et dur à imaginer quand on ne l'a pas vécu, C sûr. J'ai toujours fait attention dans ma vie : à mes fréquentations, aux lieux visités tard le soir pour ne pas être agressée, ou violée etc etc C'était pas une obsession, juste "faire attention" comme toute fille. Jamais je n'aurais pensé être violentée dans un hôpital privé pendant mon accouchement. En banlieue parisienne où je vie, j'ai toujours été finalement bien plus en sécurité... Ça parait pourtant impensable, tellement contradictoire. Finalement on est pas à l'abri, où on pense, et on se trompe souvent de bourreaux, à cause de toutes les idées fausses, véhiculées et encrées dans notre "inconscient collectif"... Le pire c'est que je ne peux même pas mettre en garde les futures maman contre mon gyneco car si je donne son nom, je risque d'être accusée de diffamation... Donc il continue en toute impunité ses maltraitances sans être inquiété. C'est ça la justice de notre pays. J'espère qu'elle changera...
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V
Et surtout parfois le recul ne suffit pas pour guérir, il faut surtout la reconnaissance de son préjudice et pouvoir punir les coupables quand les actes subis sont trop graves. Et ça malheureusement la loi ne le permet bien encore quand il s'agit de maltraitances médicales "qui ne laisse pas de traces visibles" (cf loi Kouchner protégeant les patients contre les préjudices corporels). Les victimes ne sont pas en paix car elles doivent taire leur souffrance, sous peine d'être taxée de diffamation... c'est le monde à l'envers, elle ne peuvent même pas épargner d'autres femmes en les alertant des mauvaises pratiques de certains soignants. Heureusement de plus de plus de femmes et de patients en général osent parler des maltraitances qu'ils subissent, de nos jours. C'est grâce aussi à eux qu'on se rendra compte que ce n'est pas un petit pourcentage insignifiant malheureusement (même si "petit" ne voudrait pas dire "acceptable" pour autant) et qu'il y a beaucoup d'aspects en médecine qui ne vont pas notamment en ce qui concerne la formation et le respect de la dignité de l'autre. "L'aspect humain et psychologique de la relation au patient" ne devrait pas être quasiment absent de la formation universitaire des professionnels de santé, au risque de Leur faire perdre leur humanité en devenant seulement des machines savantes.
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V
Vous avez raison, il y a de nombreux problèmes divers notamment dans les maternités. Et vous dites très bien que malgrés toutes les raisons possibles, les maltraitances ne sont pas acceptables. Je vous suis complètement et surement que bq de profs de santé font bien leur travail. Mais c'est vrai que quand on a sa vie gâchée à cause d'un terrible accouchement où on a été violentée par l'équipe, on a du mal à entendre tout ça... On aurait juste aimé être respectée en tant qu'être humain et pouvoir avoir une vie normale et heureuse comme avant.
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V
Bravo pour votre lucidité et votre bienveillance! J'aimerais que tous les soignants prennent autant de recul et entendent vos mots car malheureusement même en voulant bien faire, il arrive que, par habitude, ils ne se rendent même plus compte qu'ils font mal... pour certains. vous êtes le reflet parfait de votre propos sur les femmes : forte pour oser dire ce qui est à contre-courant mais vrai et merveilleuse😉 Merci pour vos mots. J'aurais rêver de rencontrer une soignante comme vous pendant mon accouchement...
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H
Merci pour ces mots. Vraiment merci. J'ai subi un accouchement difficile (le mot subi est choisi hein). Et je suis convaincue que si on ne m'avait pas fait de perfusion d'ocytocine je n'aurais pas fait d'atonie utérine ni d'hémorragie de la délivrance, que je n'aurais pas eu à subir de révision utérine sous AG et que je n'aurais pas été séparée de mon enfant dans ses premières heures de vie. Cette séparation reste traumatisante. <br /> <br /> Alors merci à tous les professionnels de santé qui ont conscience de la défaillance de ce système et qui travaillent à le remettre sur les rails. <br /> <br /> J'ai été docile pour le premier. Maintenant j'ai compris, je n'ai plus confiance et ne referais pas la même erreur.
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Maïa, sage femme
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