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Maïa, sage femme
7 mars 2016

Sous les jupes des filles...

Une association a très récemment publié les résultats d'un sondage intitulé "Les français-e-s et leur représentations sur le viol et les violences sexuelles". Le but étant de comprendre pourquoi, malgré les travail considérable fait par les associations, et plus récemment les pouvoirs publics, pour prévenir ce fléau, pourquoi sur le terrain, en pratique, rien ne change ! Toujours cette même loi du silence, ce même déni ou cette même impunité des agresseurs ?

Pas plus tard que la semaine passée, en consultation, une patiente répond à ma question systématique sur les violences, assez étonnée tout de même, qu'elle a été "un peu violentée dans l'enfance par son beau père" (plusieurs années d'agressions sexuelles) mais que c'était pas vraiment une grosse chose parce qu'il ne l'avait pas violé, que donc bon... Et en continuant la discussion, on en vient à parler de l'impact de ce "pas grand chose" sur sa relation avec les hommes dans sa vie, et surtout du souci que lui pose le fait que sa fille devenant adolescente, elle aurait envie de la garder protégée, enfermée à la maison... J'ai donc repris avec elle qu'elle avait vécu des violences sexuelles qui avaient encore un impact dans sa vie de tous les jours, et qu'elle pouvait être aidée !

L'idée de ce sondage était donc de faire une photo des représentations, en 2016, de la société française sur le viol et les violences sexuelles, pour pouvoir mieux cibler le travail de prévention. Il est dit dans l'introduction qu'un "système organisant le déni et la mise en cause des victimes, on le nomme “culture du viol”. La culture du viol est définie comme l’adhésion d’une société à de nombreux mythes sur le viol. Lonsway et Fitzgerald ont défini les mythes sur le viol comme étant des : « Attitudes et croyances généralement fausses, mais répandues et persistantes, permettant de nier et de justifier l’agression sexuelle masculine contre les femmes » — mais cette définition est également valable pour toutes les victimes : femmes et hommes, adultes et enfants. Selon ces mythes la victime est considérée comme coupable d’avoir menti, d’avoir provoqué le viol, ou d’y avoir en fait consenti."

J'ai donc lu le rapport et j'ai réellement eu la nausée. Parce que je n'imaginais pas une seconde qu'une telle quantité de personnes pouvaient encore avoir ces représentations là en tête, parce que j'imagine les causes et les conséquences de ce genre d'idées, parce qu'il y a encore tant de boulot, et donc tant de victimes, victimes tant de fois par leur vécu et par ce que la société leur renvoit... Bref...

Voici les résultats :

1. les stéréotypes sexistes

- la sexualité de l'homme est plus simple (66%) que celle de la femme : personellement, je ne comprends pas ce que ça veut dire. Si vous voulez m'éclairer sur ce point parce que vraiment...

- il est plus difficile pour l'homme de maitriser ses désirs sexuels que pour la femme (63%) : Ah oui ? Il leur manque la partie du cerveau pour ça ? C'est marrant parce qu'ils arrivent quand même à résister à leur désir face à une belle voiture (ben oui, ils ne la volent pas normalement), mais face à une femme le processus serait si différent, et difficile ?

- les femmes ont plus tendance à considérer comme violents des évènement que les hommes ne perçoivent pas comme tels (76%) : nous les femmes serions plus sensibles, ce qui déformerait notre perception de la réalité. Ben oui, quand on pense vivre une violence, en fait c'est pas vraiment violent ! 

- les femmes sont moins rationnelles que les hommes (42%) : nous vivons donc dans une autre réalité... Pas la bonne bien sur !!

- dans le domaine sexuel, les femmes ne sauraient pas vraiment ce qu’elle veulent par rapport aux hommes (25%) : j'ai un peu du mal à décider l'interprétation pour ça... Soit ça voudrait dire que nous, pauvre femmes avons besoin des hommes pour nous faire comprendre nos vrais désirs, que nous ne connaissons pas... Soit ça veut dire qu'un bon nombre d'entre nous navigue encore entre 2 eaux, femmes libres dans leur sexualité propre ou encore attachées à des modèles de sexualité historique... Je préfererait que ce soit la deuxième idée... Moins dépitante...

- lorsque l’on essaye d’avoir une relation sexuelle avec elles, beaucoup de femmes disent “non” mais ça veut dire “oui” (19%) et lors d’une relation sexuelle, les femmes peuvent prendre du plaisir à êtres forcées (21%) : Alors là au secours !!!! Ca ne peut pas être sujet à interprétation !!!! Donc 1/5 des personnes interrogées trouvent finalement une justification "féminine" au viol !!! Le pire c'est que c'est une partie encore plus importante chez les jeunes ! Quelle éducation du respect de soi donne-t-on à notre jeunesse pour qu'ils puissent avoir ce genre d'idée ?

Force est de constater que cette vision stéréotypée et parasitée par la culture du viol n’est pas seulement le fait des hommes, elle est aussi partagée par de nombreuses femmes. C'est ça qui est terrible ! Ca me rappelle un article que j'ai lu. Il est écrit par une sociologue qui offre un regard nouveau, et assez polémique sur les rapports historiques homme/femme. Bien entendu, je ne le retrouve pas... (Appel aux bonnes âmes, si ça vous dit quelque chose, donnez moi un lien !! Merci !). Bref, cette femme suggérait que la société est patriarcale parce que ça arrangeait aussi un peu les femmes. Et que donc elles ont laissé faire, ont donné (ou laissé) la place aux hommes... Il est vrai qu'au départ, les sociétés étaient matriarcales, puis sont majoritairement devenues patriarcales, avec entre autres conséquences la place de la femme comme "sexe faible" aveec tout ce que cela peut impliquer. Ce sondage est la preuve qu'il y a encore tant de chemin dans l'égalité des sexes...

Combien de fois on a pu entendre le "elle l'a bien cherché" ? Et là encore, le sondage appuie sur le fait que nombre de répondants réussit à trouver des excuses voir carrément déresponsabiliser l'agresseur. Parce qu'elle flirte, parce qu'elle est allé chez lui, parce qu'elle est jolie et sexy et ne s'en cache pas, parce qu'elle a déjà eu des relations sexuelles avec l'agresseur... ET ALORS ??? En quoi cela change le fait qu'à ce moment là elle n'était pas d'accord ? Pour le moment, la meilleure explication que j'ai pu trouver quant au consentement lors d'un rapport est britannique, avec leur humour si caractéristique, et leur thé national, et que vous pouvez regarder ici.

Mais pour moi la grande nouveauté est le concept du malentendu... Je vous explique : "Oh ! Désolé ! J'étais persuadé que tu avais envie... Simple malentendu..." Euh... Pour presque 1 répondant sur 3, le viol est un "malentendu" !!!! Ben en fait, je suis tellement dépitée que là, je suis sans voix... On touche le fond ! Fallait être plus claire ?!!! Tu n'as pas dit non assez fort ? Ah ben oui mais comme en même temps, non c'est oui et puis les femmes prennent du plaisir à être forcées, c'est sur qu'avec de telles bases de pensées, on peut facilement étiqueter le viol comme un "malentendu"...

Pour finir, pour un quart des répondants, lorsque l’on respecte certaines règles simples de précaution, on n’a quasiment aucun risque d’être victime de viol. Donc en fait on l'a vraiment cherché ! La responsable, c'est la victime !!! Mais j'aimerai poser une question à ces personnes : quelles sont ces règles simples de précaution ? Est ce une tenue vestimentaire qui ne joue pas avec la tentation ? Dois-je regarder le sol, et pas les hommes dans les yeux ? Dois être discrète et mesurée, ne pas rire fort, ne pas parler fort pour qu'on ne me remarque pas ? Dois-je disparaître ? Et je finirai par leur demander : "Vous en pensez quoi de la burka, vous ?"

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Commentaires
P
Je découvre cette enquête avec cet article, et les résultats me laissent aussi sans voix... Il y a encore beaucoup de boulot!<br /> <br /> Par contre, un détail : les sociétés n'ont jamais été matriarcales avant d'être patriarcales. Il n'y a d'ailleurs aucune société matriarcale (=les femmes ont le pouvoir). Il existe des sociétés matrilinéaires (patrimoine/nom/filiation transmise par la mère), mais les femmes n'y ont pas le pouvoir, et n'y sont pas en situation de domination. L'universalité de la domination masculine ( même dans les sociétés très égalitaire, les femmes n'ont jamais l'égalité parfaite avec les hommes, en particulier dans le domaine spirituel/religieux) a été remarqué par les ethnologues. Voir Françoise Héritier à ce sujet. A propos de l'idée du "matriarcat originel", il est vrai que c'est un motif courant de nombreuse mythologie. Mais les mythes ne sont pas l'histoire, ils sont en revanche des mise en scènes de principes sociaux fondamentaux (pour une société donnée). Partout où l'on trouve un mythe du matriarcat originel, l'histoire est à peu près celle là : les femmes avaient le pouvoir, et elles n'ont pas su faire/ ou ont trop opprimé les hommes, qui du coup, ont bien été obligé de prendre le pouvoir. Ces mythes servent de justification à la domination masculine.<br /> <br /> <br /> <br /> Je profite de ce message pour te dire bravo pour ce blog, que je lis et apprécie.
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