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Maïa, sage femme
14 décembre 2015

Et si on se mettait à l'heure anglaise ?

Les dernières recommandations anglaises pour les soins pendant l'accouchement viennent juste d'être publiées. 

Petit rappel : La France a le taux de mortinatalité (naissances d’enfants sans vie) le plus élevé d’Europe (9,2 pour 1000 naissances totales) alors que le Royaume-Uni tourne autour de 5,4 pour 1000 naissances totales.

1. Les femmes à bas risque de complications pendant le travail doivent avoir le choix du lieu d'accouchement 

En France, la grande majorité des accouchements se font en maternité (privée, publique, plateau technique...). D'ailleurs le document de l'INPES, supposé aider au choix du lieu d'accouchement, ne signale pas d'autre possibilité... Pas un mot sur le si controversé AAD (accouchement assisté à domicile). Bien sur, rien non plus sur les maisons de naissance, mais l'expérimentation est si récente, bien trop récente par rapport à ce document.

Donc si on récapitule, en France, on a le choix entre différentes maternités, et de manière extrêmement récente, quelques rares chanceuses pourront choisir une des 9 structures autorisées à être expérimentées, après un vrai parcours du combattant... Le reste est idéologiquement condamné, malgré les preuves en leur faveur qui ont notamment conduit le NICE britannique à conseiller de manière indifférenciée (à modérer pour un premier accouchement, légèrement plus à risque de complications) les structures hospitalières, les maisons de naissances et le domicile, comme l'explique cet article. En France, nous en sommes encore à la chasse aux sorcières envers les sages-femmes pratiquant l'AAD... 

2. Les femmes en travail reçoivent des soins d'une seule sage-femme désignée.

"Une femme, une sage-femme" ! Un slogan largement scandé lors des manifestations de sages-femmes... En France, une sage-femme suit plusieurs patientes en même temps. Une des raisons pour laquelle je me suis installée en libéral. Faire un accompagnement de qualité, pas simplement le strict médicalement nécessaire, demande du temps et de la disponibilité... Cela réduit la nécessité de médicalisation, les complications médicales, la morbidité maternelle et foetale... Ben oui... Bizarre... Serions nous autre chose qu'une mécanique plus ou moins bien huilée ???? Malheureusement, le politique de périnatalité française n'avance pas dans ce sens. De moins en moins de sages-femmes dans les structures, de plus en plus de sages-femmes au chômage... Pour les résultats que l'on sait ! Le Lancet met en avant dans ce rapport que le recours aux sages-femmes, pendant la grossesse et le travail, réduit les complications médicales. Quand j'ai fait cette réflexion à un médecin, il m'a répondu "On fait dire ce que l'on veut aux chiffres."... Pas vraiment le genre de réflexion qui aide à faire avancer le chmilblick...

3. Les femmes à bas risque n'ont pas besoin de monitoring lors du premier examen du travail

Le monitoring ! Une passion française !!! Lorsqu'une femme arrive à la maternité, il y a 2 passages obligés : le toucher vaginal et le monitoring. Et ce, à peu de choses près, quelque soit la cause de cette venue ! A tel point que pendant les études de sage-femme, en tout cas les miennes (mais j'ai un peu peur que ça soit assez général...), je n'ai pas entendu parler une seule fois, encore moins vu ou pratiqué, l'auscultation interrmittente. Petit éclairage : le monitoring est une machine qui enregistre le rythme cardiaque du bébé et l'activité de l'utérus, le tout en continu, minimum 20 minutes, souvent posé en continu pendant le travail. L'auscultation intermittente est une écoute du rythme cardiaque du bébé à l'aide d'un petit appareil, durant 30 à 60 secondes, notamment après une contraction. Ce point est appuyé sur un rapport d'étude de Cochrane, qui plaide clairement en faveur de l'auscultation intermittente pour les femmes à bas risque.

4. Les femmes a bas risque qui ont un monitoring car des soucis sont apparus lors des auscultations intermittentes doivent avoir leur monitoring ôté après 20 min s'il est normal

Un contrôle de monitoring permet d'avoir une évaluation de l'état foetal en 20 min. Donc si pendant 20 min, il n'y a pas d'anomalie, il parait logique de se dire que le bébé va bien ! Malheureusement, je n'ai pas trouvé d'étude sur ce thème mais je continue à chercher !!!

5. On ne propose pas d'amniotomie ni d’ocytocine a une femme a bas risque en travail qui se dilate bien

En parlant de passions françaises, en voici 2 autres ! L'amniotomie est ce qu'on appelle la rupture artificielle de la poche des eaux. L'ocytocine est l'hormone génératrice des contractions. Elle est secrétée naturellement, mais a pu être synthétisée artificiellement également. Ces deux pratiques ont comme objectif initial d'augmenter la quantité ou la qualité des contractions, donc d'accélerer le travail. En France, 7 femmes en travail sur 10 sont supplémentées en ocytocine de synthèse (Y a t'il vraiment 7 travails sur 10 qui ont une dilatation insuffisante ???? Pauvres françaises... On n'est manifestement pas très aidées par la nature !). Je n'ai pas réussi à trouver des chiffres officiels concernant l'amniotomie en France, mais elle est très fréquente. L'ocytocine de synthèse est un produit merveilleux, quand il est bien utilisé. Il permet de soutenir un corps qui faiblit, et les conséquences de cette faiblesse. Lorsqu'il est mal utilisé, il provoque ces mêmes conséquences, en beaucoup plus fort... Comme les hémorragies (première cause de décès chez la mère en France)... Par ailleurs, l'ocytocine est surnommée "hormone de l'attachement", c'est l'hormone de l’amour, de la confiance et du lien conjugal et social, comme l'explique cette revue médicale. L'injection d'ocytocine de synthèse empèche la sécrétion naturelle, ce qui entraînerait davantage de problèmes de dépression et d'anxiété à deux mois du post partum, comme le suggère cette étude.

Maintenant, qu'est ce qu'un travail qui se "dilate bien" ? Est-ce ce fameux 1cm/h (j'avoue ne pas avoir trouvé d'étude pouvant appuyer ce propos, ou n'importe quel autre d'ailleurs...) ? Comme la dynamique d'un travail a plusieurs phases, j'aurai envie de dire que tant que la maman et le bébé vont bien, et que ça dilate d'1 cm en 2h, personnellement, je n'aurai pas envie de faire un geste ayant de potentielles conséquences médicales... Mais bon, ça n'est que moi et ma réflexion... Mais tant qu'on ne m'aura pas prouvé qu'une vitesse de dilatation inférieure à 1cm/h est à risque au moins aussi importants que l'ocytocine, ben je choisis de laisser le corps tranquille ! On aura le temps de réagir si un problème apparait... "First, do not harm" comme disent nos collègues anglophones (je vous laisse trouver la traduction tous seuls, comme dirait ma maman, c'est comme ça que ça rentre le mieux ! Et s'il y a bien une notion qui me parait importante à avoir, c'est bien celle-ci !).

6. On ne coupe pas le cordon avant 1 minute sauf si on a un doute sur l'intégrité du cordon ou sur le rythme cardiaque du nouveau-né

On a tendance à se presser ici... Mais un clampage tardif du cordon entrainerait une amélioration de l'anémie (hemoglobine et ferritine) à la naissance et à 6 mois, comme le montre cette étude, une meilleure stabilité circulatoire, moindre hémorragie intraventriculaire et réduirait les entérocolites nécrosantes chez les prémas comme le suggère cette étude. Par ailleurs, cela aurait un effet bénéfique pour la capacité oxydative et réduirait l’effet inflammatoire induit lors de l’accouchement, ce qui pourrait améliorer le développement postnatal du nouveau-né pendant ses premiers jours de vie, comme le montre cette étude. Bref "chi va piano, va sano" !!!

7. On fait du peau a peau après la naissance

Bon, c'est le point où j'ai le moins à dire ! Ouf !!! On en a au moins un !!! La pratique est assez répandue en France ! Relativement récemment mais bon... Je me souviens dans mes premières années de pratiques, à essayer d'instaurer cette pratique en salle de naissance... Ca n'était pas il y a si longtemps que ça (je suis pas si vieille, nanmého !!!). Etonnament, il y avait pas mal de résistances : les drôles se refroidissent, il faut faire les soins tout de suite, ils auront tout le temps plus tard pour faire des calins... Bref... Mais la manière dont est appréhendée les premiers moments d'un bébé à vraiment bien évolué ces dernières années !!!

Et puis, ce qui est bon pour la duchesse de Cambridge étant bon pour moi (moi aussi, je suis une princesse !), on pourrait aussi parler des sorties précoces, des suivis de grossesse, et tout et tout...

Donc on se met quand à l'heure britannique ? Avec du thé et des scones pendant le travail, of course !!!!

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Commentaires
J
Merci pour ce comparatif ! Il est très intéressant. En France, la prise en charge de l'accouchement évolue mais les changements prennent du temps. L'acte est aujourd'hui encore sur-médicalisé. J'aurais adoré que votre comparatif traite également la période post-partum !
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Maïa, sage femme
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