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Maïa, sage femme
2 novembre 2015

De la médecine d'il y a 40 ans... Ah ben non... Celle d'aujourd'hui...

Une voix jeune au téléphone : "Bonjour, c'est à la pharmacie qu'on m'a dit que vous faisiez des suivis gynécologiques. Ca serait pour prendre rdv pour 2 personnes." Le tout me donnant l'amusante impression d'une demande de réservation de restaurant. Je lui dit de me rappeler plus tard, mon ordinateur, comme à son habitude, vivant une vie très indépendante, avait décidé de ne plus vouloir travailler à ce moment précis.

A la fin de la grève informatique, je rappelle la demoiselle et lui demande quelques précisions sur sa demande. Elle m'explique qu'elle veut 2 rdv, un pour elle et un pour sa copine, parce qu'elle a peur de venir toute seule. Comprenant que pour chacune ça n'était pas un acte très facile à poser, je me débrouille pour leur trouver 2 rdv d'affilée relativement rapidement.

Le jour J, dans ma salle d'attente, je vois deux très jolies jeunes femmes, habillées à la mode, maquillées et coiffées, un peu trop à l'aise pour que ça soit completement vrai... Je leur demande comment elles veulent qu'on procède. Ensemble ou l'une après l'autre ? La première solution est choisie. Elles passent donc dans ma salle de consultation.

Nous avons donc J, la volubile, et N, la discrète... J me raconte qu'elle a déjà eu une consultation chez la gynéco de sa mère mais bon, elle est plus agée alors... Ca passait pas trop... Et qu'elle a su qu'avec moi ça irait bien quand au téléphone je lui ai dit que mon "ordi buggait"... N ne parle pas vraiment mais regarde... notamment la table d'examen... 

"Pour vous mettre tout de suite à l'aise, à moins que vous signaliez des choses particulières, et dans ce cas, nous en parlerions, il n'y aura pas d'examen." "Ah bon ?" "Nous nous rencontrons pour la première fois, donc on va prendre le temps de se connaitre. Et en plus, un examen gynéco n'est que très rarement nécessaire." Et les deux, clairement étonnées, de se détendre...

A la question qu'est ce qui vous amène, J répond "un frottis". Elle me parait bien jeune pour un frottis... "Mon dernier date de 3 ans." Et me voilà en plein exercice de ma poker face (je ne suis malheureusement pas très efficace mais j'y arriverai un jour !!!). Je lui demande de me raconter les circonstances. Et la voilà qui me raconte sa première consultation chez la gynéco, emmenée par sa mère parce qu'à 16 ans, même si on est vierge et que tout va bien, il faut faire un check up (de quoi, je me demande bien...). Donc si je résume : 16 ans, vierge, pas en demande de contraception, pas de souci particulier et un frottis... Donc si je re-résume : déflorage par le gynéco pour un examen inutile... Poker face... Poker face... J'y arrive pas...

"Ca n'a pas du être très agréable pour vous." "Je ne veux plus la voir." Tu m'étonnes... Et tu m'étonnes que la copine, 21 ans, avec un tel témoignage, était morte de trouille... Et celle ci de me dire "Je suis bien rassurée, j'avais pas envie qu'on m'enlève un bout de chair dans l'utérus."...

Alors je leur explique d'abord ce qu'est un frottis, je sors mes schémas anatomiques, mes instruments nécessaires à l'acte, explique quel est le but, qu'on commence qu'à 25 ans et pourquoi... "On a entendu parler du papillon je-sais-pas-quoi." Je leur parle donc de l'HPV... Bref, en fait, en 1h, je n'ai pas eu le temps de faire tout ce que j'aurai voulu faire... Mais on a repris rdv (séparément ! N veut bien revenir seule !!!) pour finir tout ça.

RO30070929

Et on entend encore tellement de personnes niant les maltraitances médicales ! Prétendant que c'était peut être de la médecine d'il y a 40 ans ! Que parler de tout ça entraine les absences de suivi et les chiffres peu glorieux que l'on a en France concernant la santé des femmes ! Alors que justement !!!! C'est en en parlant que les choses peuvent s'améliorer ! En changeant nos pratiques de soignant, nos conditionnements de patients, que les choses pourront changer dans le bon sens !!! Alors oui, ça nécessite une remise en question de nos habitudes, de nos enseignements... Mais n'est ce pas une bonne chose ? 

Ce que l'actuelle polémique, que j'appellerai plutôt révélation au grand jour, des toucher vaginaux ou rectaux sans consentement, met en lumière, est l'incapacité de certains à faire un réflexion de fond. Les réactions sont au pire la négation, ou l'allégation que ce sont des cas particuliers, parfois même une sorte de théorie du complot pour détourner le sujet de la loi de santé qui est si mauvaise pour l'avenir de la santé en France (je suis d'accord avec le fait que la loi de santé est super mauvaise pour l'avenir de la France !), voir même une histoire d'hystériques féministes (bouhhh le féminisme, l'insulte suprême !). Beaucoup se concentrent sur le symptôme au lieu de considérer la cause de celui-ci (vous me direz, en médecine, c'est malheureusement fréquent...). Ils évitent ainsi de réfléchir sur la motivation de ce type de comportement, et appliquent simplement une logique comptable (ça ne se passe pas si souvent que ça...), et ainsi, évitent une remise en question fondamentale. C'est désespérant !!! A croire qu'avec la médecine française, le seul moyen pour faire changer les choses, c'est que cela viennent des patients eux-même !!! Bon, je grossis le trait un peu... Heureusement qu'un certain nombre d'entre nous ont la capacité de réaliser ces travers/changer les habitudes... Bref, la volonté d'être bien-traitant, en somme... Comme en témoigne ce blog que j'apprécie beaucoup : Alors Voilà 

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